INTERVIEW. Stéphanie habite dans le nord de la France. Elle est maman de deux petites filles, dont l’une souffre de TDAH (Troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité). Rencontre avec cette aidante et maman hors pair.
- Présentez-vous :
Je m’appelle Stéphanie. J’ai 43 ans et je suis maman de deux filles : Pauline 7 ans atteinte de TDAH, et Manon 18 mois.
- Comment êtes-vous devenue aidante ?
Je suis devenue aidante par la force des choses. Je suis maman avant tout ! À l’âge de 6 ans, ma fille Pauline a été diagnostiquée TDAH (Troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité ). On définit cette pathologie par des troubles invisibles qui nuisent à la vie quotidienne dans la sphère scolaire, familiale et sociale.
Pauline oublie beaucoup de choses, elle interrompt souvent les conversations et elle a parfois des difficultés à intégrer les codes sociaux. Elle est hyper sensible, demande sans arrêt de l’attention. Elle a également une agitation motrice et verbale très forte.
- Qu’est-ce que la maladie de votre enfant a changé pour vous ?
Pendant des années, j’ai cherché où j’avais pu échouer dans mon rôle de maman. Lorsque le diagnostic a été posé, j’ai enfin compris. Ces troubles sont neurologiques, et non éducatifs. J’ai alors commencé à changer mon regard sur elle et sur les méthodes d’éducation. Les bases restent les mêmes, mais adaptées à ses troubles. J’ai compris qu’elle avait besoin de décharger son impulsivité et son hyperactivité. Elle est inscrite aujourd’hui au théâtre, au karaté, et au violon.
Pour l’apprentissage de ses leçons, c’était un conflit permanent ! Aujourd’hui, je m’adapte à sa différence. Elle apprend sa leçon tête en bas, jambes en l’air, et elle apprend très vite !
J’ai compris que le principal, c’est l’objectif atteint.
Depuis 1 an, je commence à m’adapter à sa différence. Ce n’est pas facile tous les jours, mais on avance chaque jour. J’étais persuadée avant de devenir maman que si on élevait son enfant dans l’amour et le dialogue, tout serait simple et limpide. Lorsque je voyais des parents perdre patience avec leurs enfants, je les jugeais comme de mauvais parents. Aujourd’hui, je me dis que ces parents étaient peut-être épuisés par le handicap invisible de leur enfant.
80% des handicaps sont invisibles.
- Est-ce que vous travaillez ?
J’ai travaillé 20 ans. D’abord diplômée dans le domaine du commerce, j’ai souhaité changer d’orientation professionnelle pour venir en aide aux autres. Lors de mon dernier emploi, j’étais conseillère en insertion sociale et professionnelle auprès des jeunes déscolarisés. J’ai eu d’importants problèmes de santé, et les troubles envahissants de mon enfant étaient compliqués à gérer. J’ai été en arrêt maladie durant 2 ans et aujourd’hui, je ne travaille plus. Et très honnêtement, lorsque l’on doit accompagner son enfant dans l’accès aux soins, gérer un comportement différent, se battre pour de nombreux actes de la vie quotidienne, c’est vraiment épuisant.
- Êtes-vous engagée ?
Je me suis engagée récemment en créant un collectif : « Une égalité des chances pour nos Enfants TDAH ». Ce trouble est méconnu et concerne 5 % des enfants scolarisés. Je veux me battre pour faire connaître ce trouble et pour une meilleure prise en charge. De nombreux parents se sont engagés à mes côtés, il y a une équipe de mamans d’enfants TDAH, référentes dans toute la France pour sensibiliser au TDAH. Elles sont très investies ! Ça fait du bien d’échanger et d’être solidaires pour une cause commune. Plutôt que de subir, nous agissons, et ça fait un bien fou !
- Parlez-nous de votre relation avec votre enfant ?
Ma relation avec ma fille est bonne, même si difficile par moments quand les troubles sont très présents. J’essaie de garder avec elle des moments à deux, car c’est une petite fille qui est en perpétuelle demande d’affection et d’attention. Je sais que les troubles sont parfois difficiles à gérer pour elle, c’est le cas aussi pour moi. J’essaie de trouver des moments favorables qui permettent de nous retrouver : aller à la piscine, faire du jardinage… À côté de cela, elle est tellement pleine d’amour ! Quand la tempête est passée, je la regarde et je suis très fière d’elle !
Et malgré les difficultés, je ne changerai pour rien au monde ma rencontre avec ma fille extraordinaire. Même si elle me pousse souvent à bout, elle est tellement spontanée, vraie, aimante, que je l’aime de tout mon cœur, et je me battrai pour elle toute ma vie.
- Quels conseils donneriez-vous à un(e) aidant(e) ?
Le conseil que je donnerais, je ne l’applique pas à moi-même ! Mais il est nécessaire d’avoir un temps pour soi : faire une activité, penser à soi, ne serait-ce que 2 heures par semaine, pour exister. C’est bien souvent difficile. Il faut pouvoir se détacher un peu de ce quotidien difficile.
Je transforme mes frustrations en actions positives, ça motive.
Ça m’a permis de rencontrer des gens formidables, des parents d’enfants extraordinaires, des soutiens bienveillants, ça redonne confiance en la nature humaine !
- Quel message souhaitez-vous délivrer à la communauté de We are Patients ?
Ne vous cachez pas, expliquez les troubles, la maladie… Même si certains ne comprennent pas, d’autres vous soutiendront. Essayez de positiver, n’arrêtez jamais de vous battre contre les injustices. Gardez le sourire, battez-vous et soyez forts !