Camille a 28 ans et vit dans le sud de la France. Diagnostiquée du syndrome de Lyell, une maladie très rare qui se propage sur la peau, la jeune femme décide d’écrire un blog pour s’en sortir et aider les autres.
- Présentez-vous
Bonjour ! Je m’appelle Camille, j’ai 28 ans et je vis non loin d’Avignon. J’ai travaillé pendant 5 ans comme assistante de gestion dans une petite entreprise artisanale, et ayant rencontré le Grand Amour, j’ai décidé de suivre ma moitié vers de nouveaux horizons pour commencer une nouvelle vie à deux.
- Comment avez-vous été diagnostiquée ?
Le syndrome de Lyell est une maladie très rare. Au début de la crise, un mauvais diagnostic a été posé : la varicelle. Mon état s’aggravant d’heure en heure, j’ai été conduite aux Urgences d’Avignon, où j’ai vu des dermatologues qui ont évoqué un syndrome de Steven Johnson, ou un Erythème Polymorphe.
- Qu’est-ce que vous avez ressenti au moment de l’annonce ?
Comme la plupart des gens qui entendent ces noms de maladie pour la première fois : perdue, terrorisée, désespérée. Je n’avais jamais entendu parlé d’un « Steven Johnson » ou d’un Erythème Polymorphe… ! Les dermatologues n’ont pas attendu très longtemps avant de dire qu’il fallait me transférer d’urgence en service de réanimation chez les Grands Brûlés à Marseille. Outre la grande souffrance physique que j’ai ressentie, j’étais dans l’incompréhension la plus totale.
- Qu’est-ce que le syndrome de Lyell ?
La maladie se caractérise par la destruction et décollement de la peau (épiderme) et des muqueuses (bouche, yeux, organes génitaux), et peut également atteindre les organes des voies respiratoires. Les patients sont conduits généralement dans un centre de Grands brûlés car les soins sont similaires que pour les brûlures. Il n’y a pas de traitement pour stopper la maladie, et éviter la propagation du syndrome. Le facteur chance est donc mis en jeu…
J’ai eu beaucoup de chance car je n’ai pas de séquelles invalidantes. Ma surface corporelle atteinte était de 90 %, le décollement s’est propagé jusqu’à la trachée, mais pas plus loin. Aujourd’hui j’ai un trouble de la pigmentation de la peau sur le corps entier, mais cela reste de l’ordre esthétique ! Niveau oculaire j’ai une légère kératite et le canal lacrymal obstrué. Rien d’invalident donc.
- Parlez-nous de votre blog ?
À ma sortie de l’hôpital, je me suis sentie seule au monde. Ma vie avait changé du tout au tout, en un laps de temps bien trop court. J’ai dû apprivoiser mon nouveau corps, revoir mon hygiène de vie, et surtout affronter des peurs que jusque-là je n’aurais jamais pensé ressentir. J’ai donc décidé de chercher des réponses aux millions de questions que je me posais, et là, rien. Du tout. Je n’ai trouvé aucun témoignage positif, les seules choses que je pouvais lire m’angoissais et me désespérais encore plus. Je lisais que cette maladie avait bouleversée plus d’une vie, etc.
Avec le temps, j’ai ouvert les yeux. Je me suis dit que si j’avais pu ressentir toutes ces émotions si intenses et difficiles, d’autres ont dû être (et seront) sans doute dans le même cas que moi. Hélas, je ne suis pas magicienne, mais c’était évident : je voulais donner un sens à ce traumatisme. J
“J’ai donc décidé de créer mon blog : After My Lyell, parce que même après une épreuve si bouleversante et des cicatrices indélébiles, on peut réinventer sa vie, et en faire une belle aventure.”
J’ai donc pensé à tout ce qui m’a été utile pendant l’hospitalisation, et ce qui m’avait manqué après. J’étais persuadée (et je le suis toujours ;-)) qu’en créant mon blog et en donnant toutes les astuces que j’ai dans mon sac, cela pourrait peut-être aider d’autres personnes, pour qu’ils se sentent moins seul et moins perdu. Du coup je créé des post beauté / bien être (réapprendre à se laver), des post concernant l’alimentation, d’autres sur l’hospitalisation (comment se changer les idées ?…), des post concernant les états d’âme (qu’en est-il de nos projet ? ; retrouver notre dignité…), etc.
J’essaie aussi de m’adresser aux proches, car ils sont aussi touchés par la maladie. J’ai pris conscience de cela après mon hospitalisation. Je me suis rendue compte à quel point ma famille, mes amis avaient pu être affectés à cause de mon Lyell. Je souhaite que les proches aussi trouvent des réponses à leurs questions, et trouvent le moyen de ne pas se sentir aussi impuissant en temps qu’accompagnants dans la maladie.
Je donne aussi la parole aux personnes qui comme moi ont vécu cette maladie ! Sachant que les personnes sont difficiles à trouver je compte sur mon profil Instagram pour attirer l’attention d’un maximum de personne. Ces témoignages auront pour but de donner de l’espoir aux malades, et de montrer que même après avoir vécu des maladies si difficiles, on sait rester beau / belle et qu’on peut mener une vie « normale » et être heureux.
- Est-ce que la maladie a changé votre relation avec vos proches ?
Bien-sûr. La maladie nous fait perdre, mais nous fait gagner énormément. Je n’ai jamais autant aimé mes parents et ma famille que durant cette maladie. Quand on voit la porte de sortie de si près, on se dit qu’au final on avait cherché le bonheur longtemps, alors qu’il était juste sous notre nez. La famille, les amis, les moments heureux. C’est juste ça le bonheur en fait. J’ai aussi consolidé comme personnes mes liens amoureux avec l’amour de ma vie. Il m’a vu dans le pire des états possible, et il a bravé cette épreuve d’une façon tellement surprenante. La vie m’a mise à genoux, mais je me suis relevée, et sans mes la force et la volonté de mes proches je n’aurais pas réussis à en sortir aussi vivante J
- Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui est atteint du syndrome de Lyell ?
Il faut s’accrocher. S’accrocher à nos souvenirs heureux, à nos proches, à nos rêves pour affronter la maladie. La vie est le cadeau le plus précieux que l’on puisse avoir, il faut s’y raccrocher coute que coute. Il est important de se projeter même un tout petit peu, parce que le jour où vous réaliserez vos petits projets, vous vous rendrez compte que vous avez le contrôle, vous avez le choix de faire que votre vie soit la plus belle des histoire que vous aurez à raconter à vos petits-enfants, parce que vous avez traversé le pire, et que malgré ça, vous vous relèverez, et vous serez plus forts. Videz votre sac, dès que vous en ressentez le besoin, verbalisez vos émotions, essayer de faire en sorte que le poids que vous portez avec vous, soit un petit eu moins lourd grâce à vos proches, qui seront toujours là pour vous écouter.
- Quel message souhaitez-vous délivrer à la communauté de We are Patients ?
Nous sommes les héros de nos propres vies. Personne ne vivra chaque journée à notre place. Alors malgré les épreuves, les coups durs, toutes ces fois où nous sommes tombés, et où nous tomberont, il faut toujours se dire que c’est ça la vie. Des uppercuts, des fois ou on perd. Mais se relever, toujours. Quoi qu’il arrive, s’accrocher, à la vie. Profitez, aimez, mangez, voyagez, vivez. Faites de votre présent votre plus beau jour J. Les choses sont ce qu’elles sont, à nous de savoir ce que nous décidons d’en faire. La vie est belle, et merci, aussi, pour cette force et cette volonté de vouloir toujours aller plus loin !