GROSSESSE. Estelle : La douleur et la peine de perdre un enfant

INTERVIEW. Estelle a 32 ans et vit dans le Calvados, en pleine campagne. Il y a 5 ans, elle et son mari ont connu un drame qui les forcera à prendre un nouveau départ, en Normandie. Aujourd’hui, ils sont heureux et ont réussi à avancer.

  • Présentez-vous

Je m’appelle Estelle, je suis mariée et j’ai un enfant de 3 ans. J’aime les choses simples, la musique, le dessin, l’art en tout genre avec un attrait tout particulier pour les mandalas. Je suis en transition professionnelle depuis peu. Je redéfinie mes priorités pour pouvoir aller vers qui je suis réellement.

  • Quelle est votre histoire ?

Il y a maintenant bientôt 5 ans, j’ai fait la plus merveilleuse des rencontres. Celle qui a complètement bouleversé et chamboulé ma vie et celle de mes proches. Pour remettre dans le contexte, mon mari et moi n’arrivions pas à avoir d’enfant.

La médecine ne cherchait pas vraiment à nous aider. Je suis en surpoids et à part me culpabiliser, on ne m’a pas vraiment soutenue. Les médecins de l’époque se sont plus focalisés sur les conséquences que sur la cause de ce surpoids. Ce qui fait que pendant un long moment, rien n’avançait. J’étais encore en étude à l’époque.

Mes examens passés et réussis, il était temps pour nous de prendre quelques vacances. Nous sommes partis en Corse, pendant 3 merveilleuses semaines. Et comme beaucoup de couples dans notre cas, la magie opérant après cette belle expérience, je suis tombée enceinte, sauf que je ne l’ai découvert qu’à 2 mois. Première échographie, et là, une petite grenouille nageait dans mon ventre. La magie de la vie !

Les semaines passent, je sens que quelque chose n’est pas normal. Le gynécologue de l’époque ne m’écoute pas, et ne me rassure pas non plus. Un jour, j’ai commencé à avoir mal au dos, comme des crampes, suivies d’une énorme envie d’uriner. J’ai connu une forte perte de sang, je savais que ce n’était pas normal. Nous filons aux urgences.

Lors de l’échographie, la gynécologue ne dit plus rien. Le silence total. Elle appelle son responsable. On m’explique ensuite que je n’ai plus de liquide amniotique, et que je suis en train d’accoucher. Les douleurs au dos sont des contractions. Je suis à 5 mois et demi de grossesse. Après un examen du col, je pars en salle de travail.

J’ai deux sages-femmes avec moi, elles me disent « vous allez accoucher, naturellement, mais votre bébé ne pourra pas survivre ». La pédiatre m’explique que le terme est trop précoce et que mon bébé sera en très grande prématurité. Les mots sont posés. Je me sens vraiment déconnectée.

J’accouche de mon bébé. C’est une fille. Elle vit. Je supplie la pédiatre de l’aider, les yeux humides, elle me dit qu’elle ne peut pas. Ma fille est petite, mais rose, belle, et vive. Je fais une hémorragie de la délivrance, ils n’arrivent pas à la stopper.

Tout le monde court de partout, et mon mari se retrouve dans une salle, avec notre fille, pendant que l’on m’endort. A ce moment-là, des images défilent, je vois mon mari et je ressens tout l’amour qui nous uni depuis si longtemps. J’ai senti que deux choix se présentaient à moi : partir de ce monde, ou bien rester. Je me réveille, paniquée. Je demande ma fille, elle s’est éteinte, accompagnée par son papa. Il est si merveilleux, si courageux. Je rejoins ma chambre et je reste quelques jours à la maternité. Croiser les autres mamans m’est difficile.

Une fois rentrée chez nous, la chambre que nous préparions est vide. Personne ne peut comprendre, je me sens seule. Mon mari avait la possibilité de changer de secteur de travail. Il était temps pour nous de partir. En quelques semaines, après l’inhumation, le deuil en nous, nous quittons cette vie, nous partons dans le Calvados.

Petit à petit, j’ai commencé à revoir la vie autour de moi. Le Calvados est riche de nature, de vie et d’histoire. L’élan de vie de la nature, ce même élan qui a donné la vie à ma fille.

Cette rencontre, cet amour, il est présent partout, en nous et en moi.

J’ai décidé d’aimer et d’honorer notre rencontre, aussi brève et si viscérale qu’elle était. Ma peine et ma douleur se sont transformées en amour, en vie.

  •  Comment vous sentez-vous aujourd’hui ? 

Aujourd’hui, je suis sereine, heureuse, et j’aime mon histoire. Elle fait partie de moi, c’est ma force. Je me sens nouvelle, et je continue mon chemin, toujours pleine de gratitude pour cette expérience.

Aujourd’hui, je peux le dire, je remercie ma fille pour cette magnifique rencontre et pour tout ce qu’elle m’a apporté.

  • Êtes-vous engagée ?

J’ai voulu m’engager auprès de SOS Préma, je pensais être prête, mais le cheminement n’était pas fini, c’était trop tôt.

En partageant avec vous mon histoire, je me mets à nu face à vous. C’est là la première étape de mon engagement.

Aujourd’hui, j’aimerai pouvoir aider ceux qui traversent le même chamboulement. Je me sens prête.

  • Parlez-nous de votre résilience.

Ma résilience, c’est un peu comme pour chacun, un choix à faire. Le choix de sombrer, de se morfondre, ou le choix de faire face, d’accepter la situation est d’en faire quelque chose de beau. Aujourd’hui, quand je suis émue, que je pense à ma fille et que je pleure, ce n’est pas par tristesse, mais par amour. Je suis pleine de gratitude. 

  • Quels conseils donneriez-vous à un patient ?

Ce que j’aimerais dire à un couple, à des parents qui vivent la même chose, c’est de penser à la rencontre et à l’amour. Que votre enfant soit très grand prématuré, ou qu’il n’ait pas vu le jour, ce lien entre vous, cet amour que vous avez partagé, il est en vous et le sera toujours. Honorez-le.

Prenez le temps qu’il vous sera nécessaire pour traverser le deuil, soyez doux avec vous-mêmes et ne vous en voulez pas. Surtout pas. Respectez-vous, aimez-vous, et ressentez ce lien puissant que vous avez partagé.

Avec des « si », on refait le monde, mais avec le cœur on avance. Alors aimez. C’est le plus beau cadeau que vous puissiez faire à votre enfant.

  •  Quel message souhaitez-vous délivrer à la communauté de We are Patients ? 

 Merci, merci et encore merci !

Toutes vos expériences, tous vos partages, votre force nous font un bien fou ! Vos messages du cœur nous aident. Ils m’aident et m’aideront encore longtemps.

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