Vous ici ? Quel plaisir de vous retrouver enfin, j’espère que vous apprécierez lire la suite de mes péripéties hospitalières ! Vous avez pu découvrir mercredi dernier, dans le deuxième volet de mon article, notre arrivée fantastique à l’hôpital. L’action se déroule à Cochin où j’arrive en trombe pour ma deuxième transplantation hépatique, vous lisiez les premiers frissons de nos retrouvailles avec Herbefol. N’ayez crainte, si vous venez seulement d’arriver, vous pouvez rattraper votre retard en lisant la première partie. Coupez votre téléphone portable et donnez-moi la main, je vous emmène…
Je sais ô combien cette expérience m’a bouleversée, me donnant le courage et la force nécessaire pour retourner au bloc…
L’air dehors est d’une douceur captivante. Je redécouvre les odeurs poussiéreuses de paille, celles fumées du goudron qui fait briller comme un vernis ses sabots. À peine sortie de son van la petite jument me regarde fixement oreilles dressées, genre :
T’étais où pendant tout ce temps ?
On m’aide à me lever de mon fauteuil roulant et figurez-vous que non, il n’y a pas d’âge pour se sentir toute rabougrie. Très amaigrie debout sur mes deux cannes, un ventre de femme enceinte de plusieurs mois, le dos vouté, courbé par le poids de l’ascite qui pèse sur mon abdomen, doux paradoxe…
J’ai le look étrange d’une personne âgée… sans âge
On avance doucement, petits pas par petits pas. Ma main se pose enfin sur l’encolure toute chaude d’Herbefol et glisse en une longue caresse jusqu’à sa jolie petite tête mouchetée par une multitude de tâches de rousseurs. Mon visage est caché derrière cet horrible masque en tissu sensé me protéger de germes éventuels, je le retire et le laisse tomber au sol ; il neutralisait le souffle humide des naseaux de ma jument, cette respiration que je brûle de retrouver, navrée mais là, non !
Nos deux têtes maintenant appuyées l’une contre l’autre, nous exhalons en coeur
En y repensant cette scène était presque théâtrale voire « circassienne » comme si nous étions en train d’effectuer toutes sortes d’acrobaties à hauts risques :
Aujourd’hui sous vos yeux ébahis : un cheval à… l’hôpital !
Au milieu des spectateurs scrutants mes moindres faits et gestes, se mêlent d’expressives onomatopées, mais moi je suis dans ma bulle. Je remarque tout de suite la selle sur le dos d’Herbefol et ça c’est très bon signe ! Maman, Chantal ma nounou, sans oublier les médecins l’air inquiet, m’aident à escalader la jument.
Elle qui n’est pas très grande, aujourd’hui c’est mon Everest
Après de longues opérations le corps change c’est une évidence, mais surtout nos muscles: fondent (même ceux dont on ignorait l’existence.) ! Je me retrouve enfin à la « cime » de Fofolle, pose mon maigre séant sur l’assise de la selle et… je me répands lamentablement sur son encolure, qui fort heureusement, me soutient et m’évite la chute. Impossible à l’atterrissage de me tenir droite, le haut de mon corps n’a tout simplement pas réussi à me maintenir dans cette position.
On m’aide à me redresser, un grand silence s’installe et tout le monde se regarde l’air effrayé, un ange passe… j’explose de rire, tous me rejoignent dans cette joyeuse symphonie.
L’histoire raconte même que certains, du haut de leur fenêtre sont restés abasourdis de nombreuses heures devant la vision lunaire d’un rassemblement insolite en bas de l’hôpital.
Herbefol et moi avons vécu des moments formidables ensemble
Elle est venue dans le jardin de la maison de mon enfance réclamer son pain le matin devant la baie vitrée, se balader dans les sinueuses ruelles du petit village de Bures où j’ai grandi et faire son crottin sur le stade de foot, couru comme une dératée dans les bois de Vincennes, découvert tout un tas de centres équestres et de « potes de boxes » (aux prénoms tous aussi bizarres les uns que les autres), se balader en Sologne pour y découvrir le domaine familial et même croiser des biches au détour d’un grand pin…
Puis il y a eu l’emphysème, cette chouette affection pulmonaire.
Herbefol aura vécu de nombreuses années malgré cette maladie chronique, le 20 février 2016, couchée sur le flanc elle a rendu son dernier souffle, inspirante Fofolle. Ce petit être a été pour moi, depuis notre rencontre et tout au long de nos promenades jusqu’au crépuscule de son existence, synonyme de joies profondes, de liberté, d’apprentissages.
Ne sous-estimez jamais les bienfaits que peuvent avoir les animaux sur notre moral. Ne cherchez pas de niaiseries ici (c’est tentant, je sais), mais véritablement le partage d’une expérience.
Lorsque j’écris pour vous, ce qui change concrètement de ces nombreuses pages griffonnées dans mes cahiers à spirales, j’ai ce petit espoir – sans vouloir paraitre présomptueuse – de suggérer ce qui peut faire du bien.
N’oublions pas qu’un esprit plus tranquille, compris, épaulé, tend bien plus à la guérison que l’abandon ou l’abnégation
Et franchement quand bien même nous devrions nous quitter, c’est mieux avec un sourire non ?
Cet article c’est une parcelle de mon existence, une esquisse, une petite parenthèse de vie(s), celle de Félix, la mienne, celles des personnes qui me sont précieuses, la nôtre. C’est dire au revoir à un corps aimé qui disparait pour renaitre dans une enveloppe nouvelle. C’est beaucoup de peine(s) pour ceux qui partent et un miracle pour ceux qui bénéficient d’un don qui est loin d’être inné. C’est le combat acharné et épuisant des médecins, des chirurgiens, des aides-soignants, des infirmiers, des brancardiers, du personnel qui nettoie nos chambres, nos microbes, nos larmes et notre sang.
C’est la vie, ça nous rassemble, c’est ce qui nous lie
Alors oui ça suppure parfois et ça fait mal aussi, mais regarder, apprendre, découvrir partager, guérir, voyager c’est aussi ce que ces expériences supposent. Et je serai bien pauvre aujourd’hui d’avoir vécu autrement.
Merci à ma soeur ainé Mélanie, à ma filleule Louise et bien évidemment à Isa, Maman et Papa. Merci à mon Hepato le Pr Calmus, le Dr Conti, à mon anesthésiste le Dr Bernard…
Et surtout Merci à toi mon inoubliable Fofolle.
Passez une belle fin de semaine, merci chers lecteurs d’être au rendez-vous. Mercredi prochain, nouvel article, nouveau thème !
Part 3/3
Olivers’ment vôtre
Athénaïs