INTERVIEW. Anna avait 8 ans quand elle a été diagnostiquée. Elle vit désormais pleinement sa différence, et s’engage pour aider les patients à vivre avec le vitiligo.
- Présentez-vous
Je mʼappelle Perle Annabelle Koussala, jʼai 37 ans, je suis mariée et lʼheureuse maman de 3 enfants.
Je suis Inspecteur des Finances Publiques et une passionnée de mode, dʼécriture et de décoration. Originaire du Congo-Brazzaville, jʼai la particularité dʼêtre née noire et dʼavoir aujourdʼhui la peau blanche à cause du vitiligo. Je me définis souvent comme une rescapée de la vie car en plus du vitiligo, jʼai traversé un certain nombre dʼépreuves qui auraient pu me mettre à terre mais que jʼai pu surmonter, fort heureusement !
- Comment avez-vous été diagnostiquée ?
Jʼavais 8 ans quand jʼai entendu parler pour la première fois du vitiligo. Cʼétait en 1992 et je me rappelle ne pas avoir tout compris à lʼannonce du diagnostic. Cʼest vrai quʼà 8 ans on peut difficilement imaginer les répercussions du vitiligo sur la vie. Pour moi, cʼétait juste quelques tâches sur mon corps.
- Qu’avez-vous ressenti ?
Mon histoire avec le vitiligo est assez singulière car jʼétais en Afrique et la maladie nʼétait pas très connue à lʼépoque. Je pensais pourvoir guérir un jour. Je nʼai donc pas été spécialement inquiète les premiers mois et même les premières années.
Ce nʼest quʼà lʼadolescence que jʼai compris à quel point ma vie ne serait plus jamais la même. Ma peau avait totalement blanchi au bout de quelques mois, je ne me reconnaissais pas dans la glace. Passer dʼune peau noire, ensuite tachetée et enfin à une peau blanche très pâle a été un véritable chamboulement émotionnel que jʼai mis des années à accepter. Pendant longtemps, jʼai fui les miroirs, jʼai caché le moindre centimètre de ma peau et je craignais de regarder le gens dans les yeux de crainte dʼy lire du dégoût, de la peur ou de la pitié. Jʼai fait lʼobjet de beaucoup de moqueries et entendu énormément de remarques blessantes. Les gens se retournaient systématiquement sur mon passage. Au début de lʼadolescence, jʼai même pensé mettre fin à mes jours.
- Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
Depuis quelques années, je vis pleinement ma différence. Jʼai appris à mʼaimer telle que je suis. Je nʼai ni rancœur, ni amertume et ni peur face au regard des autres. Être différente est ce qui fait ma force aujourdʼhui. Je ne pense pas que jʼaurais été la même personne sans le vitiligo. Jʼai pris conscience que la maladie a transcendé ma vie. Jʼai crée en 2017 un blog mode et lifestyle annafashiontherapy.com pour partager ma passion pour la mode, lʼécriture et aussi pour parler du vitiligo. Fait marquant, lʼarticle dans lequel je parle de mon histoire avec le vitiligo est un des articles les plus lus du blog. La mode a été ma thérapie, ce qui mʼa aidé à avoir confiance en moi et à mʼaffirmer.
- Qu’est que la maladie a changé pour vous ?
Je me suis construite avec le vitiligo qui a eu une grande influence sur mon état dʼesprit et ma manière dʼappréhender la vie. Depuis mon enfance, et encore plus à lʼadolescence, jʼai développé une grand sensibilité. Comme le monde et le regard des autres me faisaient peur, je me suis réfugiée dans les livres pour mʼévader et lʼécriture pour exprimer mes émotions. Jʼai découvert ainsi une part de moi et aussi une force que je ne soupçonnais pas. Grâce au vitiligo jʼai beaucoup plus dʼempathie envers les autres.
- Êtes-vous engagée ?
Il y a quelques années, jʼai adhéré à lʼAssociation française de vitiligo mais jʼavoue ne pas avoir ressenti le besoin de faire plus dʼactions dans le cadre associatif pour le moment.
Jʼai préféré dʼautres moyens de venir en aide aux personnes atteintes de vitiligo au travers de mon blog, mes réseaux sociaux et de mes projets.
- Parlez-nous de vos projets
En mars 2020, jʼai rejoint lʼéquipe des co-animarices de The Focus, un média web dédié à la femme, le mère et la Pro. Avec Linda Kouvouama et Joelle, Dago-serry nous diffusons des messages de positivité et de bienveillance auprès des femmes au travers de la radio, du magazine et nos plateformes. Dans le cadre ce projet, jʼai eu le plaisir dʼinterviewer une jeune femme atteinte de vitiligo. Avec The Focus, je compte donner la parole à plus de personnes qui ont le vitiligo et dʼautres différences physiques.
Un autre projet qui me tient tout particulièrement à cœur est la page Facebook Parfaitement différents, que jʼai crée en juillet 2020, avec laquelle jʼai commencé à aider les personnes atteintes de vitiligo et à les encourager à croquer la vie. Je souhaite créer une communauté de partage et dʼentraide entre les personnes atteintes de vitiligo. Je reçois des messages tellement poignants de personnes qui souffrent, jʼespère pouvoir les aider.
- La maladie a-t-elle renforcé vos liens avec vos proches ?
Jʼai connu mon mari à une époque où jʼavais beaucoup de tâches au visage et sur le reste de mon corps. Il mʼa aimée, mʼa aidée à avoir confiance en moi et à me sentir femme à part entière. Notre amour dure depuis 18 ans ! Le vitiligo fait partie du ciment de notre histoire qui nʼaurait pas été la même sans.
Il y a aussi ma mère. Depuis que jʼai le vitiligo, notre relation a changé́ et nos liens sont beaucoup plus forts. Elle mʼapporte énormément de soutien.
- Quels conseils donneriez-vous à un patient ?
Avoir le vitiligo ou tout autre différence physique est un chamboulement dans une vie, mais ce n’est pas la fin de la vie. Cʼest le début dʼune vie différente et ouverte sur un champ de possibles, si on prend la peine de le voir. Peu de personnes ont lʼopportunité de vivre des expériences qui demandent autant de bienveillance envers soi-même.
- Un message à la communauté WAP ?
Être différent fait partie de nous mais ne nous définit pas. Il ne tient quʼà nous de décider de la place que nous voulons laisser à la maladie dans notre vie. Vivre pleinement sa vie est plus grande revanche que lʼon puisse prendre sur la maladie !