Stéphanie, 45 ans, est en rémission d’un cancer du sein. Passionnée de voyages, elle nous raconte comment la maladie a changé sa vision de la vie.
- Présentez-vous :
Je m’appelle Stéphanie, j’ai 45 ans et je réside dans la banlieue de Toulouse, ma ville natale depuis 2014 après 18 ans passés en région parisienne. Je suis mariée et nous avons deux garçons de 10 et 7 ans.
- Comment avez-vous été diagnostiquée ?
À partir de 2015, j’ai senti une boule dure dans mon sein gauche pendant des mois et j’ai reculé pour consulter par peur du diagnostic. J’avais déjà subi une tumoréctomie à 25 ans (bénigne) et un intervention chirurgicale lourde en 2011 à la tête (fibroadénome bénin qui m’avait provoqué un strabisme et de violentes migraines). Finalement, j’ai pris mon courage à deux mains en février 2016 et la gynécologue m’a conseillé d’aller faire une mammographie sans m’affoler, mais tout en insistant quand même.
- Qu’avez-vous ressenti ?
Le médecin qui a pratiqué la mammographie début mai 2016 m’a reproché d’avoir laissé traîner les choses et n’a émis aucun doute sur la nature de la tumeur. Pour elle, c’était un cancer et il fallait faire très vite une biopsie. Je suis sortie en pleurs devant les patientes qui attendaient leur tour pour des contrôles. L’une d’elles a essayé de me rassurer. Elle avait eu un cancer et cela se soignait très bien désormais. Deux semaines après, nous avons enfin eu le diagnostic suite aux résultats de la biopsie : cancer du sein, stade précoce, mais ablation probable, car la tumeur faisait 4 cm. Mon sein serait abîmé et de surcroît, c’est la deuxième fois qu’on allait m’opérer pour une tumeur au sein gauche. Je crois que cela a été la pire période de ma vie. L’attente du résultat avec la mort en face, des angoisses tenaces, des insomnies. Cela m’a bouleversée. Un véritable tsunami. L’opération a révélé finalement un autre diagnostic : un ganglion atteint et test positif HER2 3+. J’ai donc eu droit à 6 séances de chimiothérapie, 25 séances de radiothérapie et 5 ans d’hormonothérapie.
- Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
Deux ans après, je traverse des périodes de haut et de bas. Tout le monde pense que le plus dur est derrière soi. En réalité, on doit affronter un avenir incertain, on est pétri de doutes notamment lors des contrôles qui donnent des sueurs froides des semaines à l’avance. Il y a des jours où on exulte et d’autres où on est abattu, en colère (par exemple, je n’ai pas pu partir en Polynésie pour nos 10 ans de mariage à cause de ma fatigue). Les effets secondaires des traitements jouent un grand rôle dans tout cela : douleurs musculaires et articulaires, grande fatigue, insomnies et bouffées de chaleur en ce qui concerne. Après une excellente prise en charge pour mon retour au travail à mi-temps thérapeutique, je trouve qu’actuellement ma « différence » n’est pas du tout prise en compte par le management et parfois aussi par certains collègues qui ne comprennent pas qu’on puisse vouloir un peu plus se préserver.
- La maladie a-t-elle changé quelque chose chez vous ?
La maladie m’a fait perdre le peu d’insouciance qui me restait et a développé de grosses angoisses qui me submergent parfois. Pour autant, je fais front avec beaucoup de lucidité et de force. Je croque la vie à pleines dents, je veux profiter au maximum, j’ai une rage de vivre décuplée. La maladie m’a forcée à revoir mes priorités : ma famille avant tout. Je me suis mise à pratiquer une activité sportive plus régulièrement aussi : l’aquagym. Et depuis peu, je me suis lancée le défi de faire du lady style, une danse très féminine et de participer au spectacle de fin d’année de ma salle de gym. J’espère que mes sœurs de combat pourront être présentes. J’ose exprimer ce que je ressens, j’ose davantage faire des choses !
- Quelle est votre passion ?
Ma passion, ce sont les voyages. J’ai toujours eu la bougeotte, j’ai un côté globe-trotter. J’ai un peu freiné depuis la naissance des « loulous ». Cette passion, je l’exerce au quotidien puisque j’enseigne en qualité de professeure spécialiste en BTS Tourisme depuis 20 ans. Cela me passionne même si ce métier demande énormément d’énergie.
- Êtes-vous engagée ?
Pour octobre rose, j’ai témoigné sur des forums et ai fait la promotion des actions de la Ligue contre le Cancer sur les réseaux sociaux. J’aimerais faire davantage désormais comme m’impliquer dans la gestion de l’après-cancer et le retour au travail qui est une problématique insuffisamment prise en compte actuellement malgré de bonnes initiatives.
- La maladie a-t-elle renforcé votre relation avec vos proches ?
La maladie m’a encore plus rapprochée de mon mari. Elle nous a soudés alors que je craignais qu’elle ne pulvérise tout sur son passage. Il m’a offert un chaton alors qu’il déteste ça pour m’aider à affronter la maladie grâce à la ronronthérapie. Il a même réalisé un petit film sur mon parcours. Ma mère, mes oncles et mon frère ont été exemplaires. Des amis ont été particulièrement présents pour moi, d’autres se sont éloignés. C’est la vie !
- Quels conseils donneriez-vous à un patient ?
Les conseils que je donnerais sont de ne pas s’isoler, verbaliser, ne pas consulter Internet, se rapprocher de la Ligue et/ou d’associations, s’inscrire sur les réseaux sociaux dédiés, ne pas hésiter à demander plusieurs avis médicaux. C’est ce que j’ai fait. Bénéficier des soins support : kiné, réflexologie, sport (CAMI sport et cancer), soins d’onco-esthétique m’a beaucoup aidé.
- Quel message souhaiteriez-vous faire passer à la communauté de We Are Patients ?
Malgré toutes les difficultés éprouvées, j’ai envie de délivrer un message d’espoir. Ce tsunami nous met plus en phase avec la réalité, on devient plus emphatique et on développe des compétences insoupçonnées parfois dans sa vie personnelle (je me suis mise à cuisiner alors que j’étais nulle) et/ou professionnelle (capacité de prendre du recul, analyse psychologique plus fine des situations). Il faut aussi encore plus libérer la parole, faire en sorte que le cancer ne soit plus un tabou même si des avancées considérables ont été faites. Certains cancers sont moins « médiatisés » que d’autres, certains traitements n’ont pas encore vu le jour, il existe encore beaucoup trop de situations discriminantes envers les patients.