INTERVIEW. Laurane a 25 ans quand elle ressent les premières douleurs physiques. Atteinte de spondylarthrite ankylosante, elle profite aujourd’hui de chaque petit instant de la vie au côté de sa fille.
- Présentez-vous
Je m’appelle Laurane, j’ai 25 ans. Je suis maman d’une petite fille de 3 ans et demi et j’ai de la spondylarthrite depuis maintenant 10 ans.
- Comment avez-vous été diagnostiquée ?
Ça a été très long, car cela a pris 8 ans. On m’a fait courir de médecins en médecins et on ne trouvait pas ce qu’il se passait, on se focalisait sur deux hernies discales que j’avais déjà. Il y a deux ans, on m’a fait passer les examens de sacro-iliaques qui auraient dû être faits beaucoup plus tôt. On s’est alors rendus compte que mes sacro-iliaques étaient soudés, et par la suite, le diagnostic est tombé.
- Qu’avez-vous ressenti ?
J’ai directement ressenti un soulagement parce que ça a été 8 années de ma vie très compliquées. J’ai été hospitalisée, et alitée sans savoir pourquoi. Finalement, ça a été un gros soulagement puis tout de suite une grosse prise de panique parce que les médecins m’ont dit tout de suite que j’étais à un stade très avancé de la maladie et qu’ils ne savaient pas trop comment j’allais réagir au traitement.
- Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
Aujourd’hui, c’est très compliqué parce qu’en 2 ans, j’ai fait 8 traitements différents et qu’on n’arrive toujours pas à stabiliser la maladie. En novembre dernier, je me suis retrouvée en fauteuil roulant, je n’arrivais plus à marcher, à tenir debout. Donc, au quotidien, c’est très compliqué, mais je sais qu’un jour, on réussira à trouver un traitement. Il ne faut pas baisser les bras car le mental joue beaucoup dans ces maladies-là. Si je baisse les bras, j’aurai perdu la bataille et c’est hors de question !
- Qu’est que la maladie a changé pour vous ?
La maladie a changé ma force de caractère. Maintenant que j’ai le diagnostic de la maladie, je sais contre quoi je me bats tous les jours. Je me bats pour me lever, pour bouger et pour avancer dans ma vie. Cela me donne beaucoup de force, car je sais que je suis malade et de quoi je souffre, donc je me sers de ça pour avancer. Je me fixe chaque jour de nouveaux objectifs, avancer au maximum et surtout m’occuper de ma fille.
- Êtes-vous engagé ?
Je suis dans une association qui s’appelle Courir pour la Spondylarthrite. Avec la situation actuelle, il est très compliqué d’organiser des choses, mais cette association m’a permis de faire des rencontres très enrichissantes. On se rejoignait dans des cafés pour échanger sur nos parcours. On se rend compte qu’on a tous la même maladie, mais qu’on ne la vit pas du tout de la même manière, on n’a pas tous les mêmes douleurs, etc.
Ces rencontres se passaient toujours dans la bonne humeur et sans aucun jugement parce que je pense que dans nos cas, on est tous compréhensifs et il n’y a pas de mieux placer que des malades pour comprendre ce qu’on vit tout les jours. On se rend compte aussi qu’on est pas tout seul et qu’on est ensemble dans ce combat.
- Parlez-nous de vos projets ?
J’ai un projet professionnel, je veux rentrer dans la police. Les médecins m’ont clairement indiqué qu’il ne fallait pas pousser trop loin le projet, et au final en cherchant bien, j’ai trouvé une alternative pour rentrer dans la police qui est compatible avec la maladie, c’est la police scientifique. Je sais que j’aurai moins de contraintes physiques que gardien de la paix, donc je me suis fixée cet objectif et je compte bien y arriver !
- La maladie a-t-elle renforcé vos liens avec vos proches ?
J’ai eu beaucoup de chance d’avoir une petite fille très compréhensive. Je l’implique beaucoup dans ma maladie, dans le sens où je fais mes piqûres toutes les semaines. Au début, je me cachais jusqu’au jour où elle a débarqué pendant que j’avais une aiguille plantée dans le ventre. Elle m’a posé plein de questions et je lui ai donc expliqué, et du haut de ses 2 ans, elle a tout de suite compris. Elle a été très protectrice, très rassurante en me disant que ça allait aller, que c’est un bobo qu’on va soigner. Ça nous a donc rapprochées, on est très fusionnelles.
Avec ma famille ça a été plus compliqué parce que ma maladie s’est déclenchée à cause d’un choc émotionnel et ce choc ma mère s’en sent beaucoup responsable. Donc ça nous a pas éloignées, mais ça a mis quelques tensions surtout quand le diagnostic est tombé. Ma mère ne comprend pas qu’on ait mis tant d’années à trouver alors qu’on aurait pu le diagnostiquer beaucoup plus tôt et peut-être que je n’en serais pas là aujourd’hui.
- Quels conseils donneriez-vous à un patient ?
Le conseil que je peux donner à un patient, c’est que face aux médecins, il ne faut pas toujours les écouter, il faut savoir s’écouter aussi. Dans mon cas à moi, si je ne les avais pas écoutés pendant 8 ans, on aurait trouvé plus vite et si il y a 2 ans, on a trouvé, c’est moi qui ai alerté les médecins en leur disant que ce n’était pas 2 RMI qui me faisait souffrir autant.
Il ne faut pas être spectateur, mais acteur de sa maladie, et c’est à vous de prendre les choses en main, c’est à vous de décider pour vous, car c’est notre corps, c’est nos douleurs et personne peut ou pourra s’imaginer ce qu’on vit et comprendre tout ce qu’on endure au quotidien.
- Un message à la communauté WAP ?
Donc moi, je me suis faite tatouer une phrase en latin et c’est ce qui me motive tous les jours. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Tant qu’on est là, c’est pour se battre et ne jamais rien lâcher.