RECTOCOLITE HÉMORRAGIQUE. Kangouroo Girl, vivre avec une stomie

 INTERVIEW. Charlène alias Kangouroo Girl est une jeune femme lumineuse et pleine de courage. Blogueuse, elle parle de sa vie avec sa stomie, poche intestinale pour sensibiliser sur sa différence.

À 13 ans, l’adolescente va vivre des épisodes intestinaux extrêmement douloureux qui bouleversent son quotidien. À 18 ans, après des opérations difficiles, Charlène va tout réapprendre de la parole à comment tenir debout. Aujourd’hui, le syndrome du grêle court oblige la jeune femme de 24 ans à vivre avec une stomie.

Une stomie est une poche qui sert à récupérer ce que son corps rejette et termine ainsi le travail de ses intestins – ce qui n’entame pas la joie de vivre et le positivisme de la super Kangouroo Girl !

  • Présentez-vous :

Je m’appelle Charlène – Alias Kangouroo Girl – j’ai 24 ans, je suis née le 16 décembre 1993. J’habite chez mes parents dans le Sud de la France à La Ciotat. J’ai un blog qui parle de ma maladie et ma vie avec ma stomie, ma poche à moi.

  • Comment avez-vous été diagnostiquée ? 

J’ai été diagnostiquée à l’âge de 13 ans d’une RCH soit une recto-colite hémorragique chronique aiguë, ce qui engendre des diarrhées multiples et sanglantes, allant de sept à vingt fois par 24 heures. Je perdais du poids à vue d’oeil, je m’alimentais très difficilement parce que je digérais très mal toute forme de nourriture. J’étais tellement fatiguée que je faisais beaucoup de malaises. Je n’allais plus à l’école et commençais à me refermer sur moi-même. J’avais peur de sortir parce que j’étais devenue incontinente.

Aucun traitement n’a été efficace et cela a duré comme ça jusqu’à mes 18 ans… On m’a proposé la chirurgie comme ultime solution. La gastro-entérologue et le chirurgien me disaient que cela pouvait m’aider à guérir totalement s’ils retiraient les parties atteintes, soit le gros colon et le rectum tous deux touchés.

bae97a77-eaef-4244-8d0a-32e44ad34b5a

Cette opération a engendré le fait de devoir porter une stomie provisoire pendant trois mois, ensuite j’allais me faire opérer de nouveau pour un  “rétablissement de continuité”, ce qui suppose de tout remettre en circuit, sans poche de stomie ! 

J’ai été opérée le 13 décembre 2012. Lors de cette intervention le chirurgien a coupé la mauvaise artère, mon intestin grêle s’est mis à se nécroser – mort des cellules et tissus – petit à petit et j’ai été plongée dans un coma artificiel pendant huit jours afin de ne pas souffrir. Les médecins, les chirurgiens, les infirmiers, tous ont essayé de stabiliser mon état assez critique à ce moment-là. 

J’avais un VAC c’est-à-dire que j’étais à ventre ouvert et chaque jour je subissais une opération. Suite à cela, je me suis retrouvée en réanimation, puis en soins intensifs et enfin dans une chambre en service opération digestive.

  • Qu’est-ce que vous avez ressenti ? 

Ça été très difficile, surtout quand on vous dit que cette chirurgie est votre seul moyen de guérison. On ne pense pas à l’erreur chirurgicale et c’est à ce moment-là qu’on a l’impression que le monde s’écroule. 

J’avais 18 ans, j’ai dû réapprendre à me servir de mes bras et de mes mains car je n’avais plus aucune force. J’ai dû réapprendre à me tenir debout parce que tous mes muscles avaient fondu, mes jambes étaient devenues tellement fines… J’ai dû réapprendre à marcher, réapprendre à m’habiller, réapprendre à parler – je n’arrivais plus à émettre aucun son – je chuchotais constamment, et encore cela me fatiguait beaucoup. Les cicatrices sur le ventre me tiraient, j’avais cette sensation d’avoir une plaque en fer sur le ventre c’était tellement lourd, douloureux et à la fois si fragile. J’ai mis quelques jours avant de pouvoir regarder mon corps. 

eb51438c-0314-45e0-a598-de89e3ca4595

  • Comment vous sentez-vous aujourd’hui ? 

Aujourd’hui je me sens enfin bien dans ma peau. Après de longs mois de convalescence et de longues années d’acceptation, j’ai enfin réussi à m’accepter comme je suis. J’ai enfin décidé de sortir du silence, de partager avec vous mon histoire afin que ce syndrome soit reconnu. J’ai totalement accepté le port de la stomie qui m’est nécessaire et qui fait aussi parti de mon combat, celui de faire connaître à plus grande échelle la recto-colite hémorragique chronique aiguë.

  • Qu’est-ce que la maladie a changé pour vous ? 

La maladie m’a transformée.

Elle m’a fait prendre conscience que la vie ne tient à rien que l’on est si minuscule dans l’univers. Je suis sortie différente de cette expérience, c’est une évidence. Je pense que je connais désormais la valeur de la vie.

  • Votre hygiène de vie a-t-elle changé ? 

Oui mon hygiène de vie a totalement changé. D’une part, par le fait qu’avec 30 centimètres d’intestin grêle, je suis hyperphage ce qui signifie que je mange quatre fois plus qu’une personne normale. Cette nourriture que je consomme je ne l’absorbe pas complètement, j’ai donc un risque de dénutrition. Un traitement de nutrition parentérale a été adapté, je me perfuse 15h tous les soirs pour subvenir à mes besoins quotidiens. Pour le reste je prends soin de moi. 

  • Êtes-vous une femme engagée ? 

Oui je pense être une femme engagée, motivée et déterminée à changer le regard des autres concernant le syndrome du grêle court et le port de la stomie. J’aimerais faire partager mon expérience, dire aux autres qu’il ne faut rien lâcher. Je reviens de très loin, mais à ce jour, je suis presque totalement indépendante en ce qui concerne ma santé. Je suis autonome sur mes soins et mes commandes médicales. Je trouve cela extrêmement important parce que ça me permet de pouvoir gérer ma journée comme bon me semble et de pouvoir voyager. 

capture-decran-2018-07-03-a-9-57-16-am

  • La maladie a-t-elle renforcé votre relation avec vos proches ? 

Oui la maladie a renforcé certaines relations, avec mon père particulièrement. Nous n’avions pas la même avant. Je pense que c’est dans ce genre de moment que les liens se renforcent avec nos proches. 

  • Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui vient d’être diagnostiqué de la même pathologie que vous ?

Je lui dirai que ce n’est certes pas tous les jours simple et que l’on a parfois toutes les raisons du monde de baisser les bras, mais il faut s’accrocher à toutes les choses qui nous donnent un sourire et de la joie. Toujours garder sa joie de vivre parce que c’est en emmenant du positif que l’on recevra du positif, c’est l’effet boomerang !

  • Quel message souhaitez-vous délivrer à la communauté de We are Patients ? 

J’aimerais inspirer les autres, leur dire de ne jamais laisser tomber, que la vie est belle. Nous somme tous uniques, nous avons tous une histoire particulière. Qu’ils peuvent me suivre sur les réseaux et sur mon blog, et que je suis ouverte à la discussion sur ma maladie et sur celles des autres.

Il faut toujours aller de l’avant pour atteindre nos objectifs. Tout est réalisable.