CANCER. Cristina : un site internet pour donner des conseils aux patients

INTERVIEW. Cristina est maman de 3 enfants. Originaire de France, elle vit avec sa famille aux Émirats Arabes Unis depuis maintenant 13 ans. Il y a environ un an, elle est diagnostiquée d’un cancer du sein agressif. Une dure nouvelle qui la poussera à changer sa philosophie de vie, et à créer un site internet pour communiquer les conseils et les adresses utiles aux patients atteints du cancer.

  • Présentez-vous :

Je m’appelle Cristina, j’ai fêté mes 44 ans en novembre dernier, et je travaille dans le consulting en hôtellerie à Dubaï. Quand nous sommes arrivés avec mon mari et mes deux garçons, alors respectivement âgés de 3 ans et 9 mois, jamais nous n’aurions imaginer rester si longtemps et accueillir notre petite dernière là-bas, il y a 6 ans déjà !

  • Comment avez-vous été diagnostiquée ? 

En mars 2018, j’ai tout simplement senti une grosseur dans mon sein gauche. Dès le lendemain, j’ai pris rendez-vous chez mon gynécologue et j’ai été diagnostiquée en 10 jours suite à une échographie mammaire, une mammographie, une biopsie et un PET Scan. On m’a diagnostiqué un cancer du sein triple négatif de stade 2A. La tumorectomie a eu lieu le 10 avril, et puis j’ai enchaîné 8 séances de chimiothérapie de mai à août, puis 28 séances de radiothérapie.

Beaucoup m’ont demandé si je pensais demander un autre avis en France et me faire traiter là-bas. J’ai refusé et décidé de faire confiance aux médecins ici. Tout est disponible ici, les médecins sont absolument compétents. De plus, j’aurais dû renoncer à mon travail et donc perdre mon assurance-maladie probablement. Rien de rationnel n’aurait justifié de rentrer en France et me faire soigner loin de mon mari et de mes enfants. Par ailleurs, j’ai la chance que mes parents, en particulier ma mère, aient pu venir à plusieurs reprises. Et évidemment, le soutien à distance, mais constant et indispensable de mes frères et sœurs, et amis proches.

  • Qu’est-ce que vous avez ressenti ? 

D’abord, j’ai été surprise que ça m’arrive « aussi jeune ». Dans mon esprit, les cancers du sein étaient plus un souci pour les femmes de 50 ans et plus. Aussi, je n’ai pas de cas dans ma famille et enfin, j’étais suivie depuis 10 ans pour un fibroadénome de 5 mm au sein droit. Mes derniers examens, qui dataient de 15 mois, ne montraient rien du tout. Pourtant, lors de l’échographie en mars, après avoir senti cette masse, j’ai pu voir à l’écran une tumeur vascularisée avec calcification de 2,5 cm de diamètre.

Bien sûr, j’ai eu peur de l’inconnu. Qu’allait-il arriver ? Ma grande inquiétude était des métastases potentielles, mais j’ai eu de la chance. Beaucoup de chance !

Et puis une fois le diagnostic posé, la tumeur enlevée de mon corps, ça a été mieux. Pour le traitement, lorsque le protocole a été défini, j’ai eu une crainte lorsque le médecin m’a parlé de la chimiothérapie, car je ne m’y attendais pas ou plus.

Mais voilà, j’ai décidé que « ça irait », que je ferais tout pour que le cancer ne récidive pas. Pour être grand-mère un jour. Et cela, quel que soit le traitement.

Je me suis vite rendu compte que je passerai ce cap de la maladie plus facilement en essayant d’influencer mon mental avec des pensées positives.

Cela étant, j’avais beaucoup de questions pratiques pour lesquelles j’ai dû chercher des réponses par moi-même : comment préparer la chimio, quels seront les effets secondaires, où acheter tel ou tel produits, des foulards, etc.

  • Comment vous sentez-vous aujourd’hui ? 

Aujourd’hui, le traitement est derrière moi et la mémoire étant sélective, j’ai mis ces souvenirs difficiles dans un coin. Je vais bien même si je gère quelques effets secondaires, potentiellement permanent, et j’avoue, stresser un peu (beaucoup ?) à l’approche des examens de suivi.

J’ai aussi décidé de prendre un congé sabbatique de 3 mois pour digérer, me reposer, et réfléchir à l’avenir. Il faut savoir qu’ici aux Emirats Arabes Unis, seuls 15 jours de congés maladie sont payés à 100 % (les 30 suivants à 50 % et enfin les 45 suivants sans solde, donnant le droit à votre employeur de mettre fin à votre contrat de travail et donc le risque pour l’employé de se retrouver sans assurance-maladie). De fait, j’ai travaillé pendant tous ces longs mois, même pendant la chimio malgré la fatigue et les hospitalisations. Aussi, comme tout est privé, il n’y a pas d’accompagnement psychologique ou de soins d’accompagnement en parallèle. Ils existent, mais pas forcément remboursés et puis, par manque de temps puisqu’on travaille, on se limite au nécessaire. Ces derniers mois ont été si intenses que j’ai vraiment éprouvé le besoin de me poser avant de continuer mon chemin.

  • Qu’est-ce que la maladie a changé pour vous ? 

Tout et rien à la fois. Je suis toujours moi, mais sans les craintes qui me poussaient à faire des choses qui ne me correspondaient plus, remettre à plus tard ou totalement de côté des activités qui pourtant me plaisent. La peur de ne pas me réaliser en tant que personne, a pris le pas sur la peur du changement et celle de m’ouvrir à l’inconnu. J’ai beaucoup plus de recul, je pense.

Aujourd’hui, je ne crains qu’une récidive, mais certainement plus d’être moi-même.

Ce congé sabbatique est consacré à faire du yoga, de la sculpture, lire, peindre, prendre du temps pour moi, être avec mes enfants, et faire des formations professionnelles.

On verra ce que l’avenir me réserve, mais disons que je travaille sur ma bucket list.

  • Votre hygiène de vie a-t-elle changé ?

Pas vraiment, car je n’ai jamais eu une vie de débauche !

  • Êtes-vous engagée ? 

Un cancer, comme d’autre épreuves, requiert beaucoup de force mentale et d’énergie positive. Il y a des hauts et des bas, d’où l’importance de rester à Dubaï auprès des miens.

J’ai aussi compris à quel point le soutien d’autres patients ou ex-patients est essentiel. Ils ont été de vrais guides, coachs.

C’est d’autant plus nécessaire dans le contexte d’expatriation dans un pays où l’accompagnement du malade est limité.

J’avais rencontré dans la salle d’attente de l’hôpital une autre patiente qui m’a parrainé auprès des Pink Ladies, un groupe de soutien informel par WhatsApp de femmes qui souffrent ou ont souffert d’un cancer. J’y suis toujours et contribue à soutenir celles qui commencent leur traitement.

Pourtant, j’éprouvais le besoin de m’engager plus sans savoir comment.

Je suivais des bloggers qui m’inspiraient, car ils contribuaient à libérer la parole sur ce sujet encore si tabou. Et puis, il y avait tous ces « trucs » pour soulager les effets secondaires que j’avais utilisés sur conseils des Pink Ladies par exemple. Il y avait ces sites web regroupant les informations non biaisées qui m’avaient aidé au début, ces adresses de thérapies de confort, les livres que j’avais lu pour parler à mes enfants, les citations que je lisais pour me motiver pendant les moments plus difficiles.

J’ai finalement décidé de faire un site web construit comme une plateforme d’échange de carnet d’adresses.

J’y partage aussi mon expérience pour apporter un éclairage si possible factuel et positif aux autres malades. Le nom m’est venu à l’esprit à 5 heures du matin comme un flash, une évidence. J’ai enregistré le nom de domaine une heure plus tard ! Ce serait « The Cancer Majlis ». Un Majlis est en arabe, le salon de réception traditionnel. Là où les plus jeunes écoutent et prennent conseil auprès des anciens ou du « chef ». Plus généralement, c’est un lieu d’échange convivial autour du thé et café. Et puis, c’est comme ça que je surnommais ma chambre de chimio. J’invitais mes amis à passer me voir dans « mon majlis » ces jours-là : toujours très animées mes chimios !

J’ai donc lancé www.thecancermajlis.com et les pages Facebook et Instagram associées @thecancermajlis en septembre. Je poste quotidiennement sur les réseaux sociaux des infos, pensées positives ou simplement des dessins humoristiques. Levons le tabou !!!

  • La maladie a-t-elle renforcé votre relation avec vos proches ? 

Je suis fidèle en amitié et j’ai eu de la chance d’avoir un immense soutien de mes amis et ma famille. Je leur en suis éternellement reconnaissante. Alors oui, la maladie a renforcé des liens déjà très forts.

  • Quels conseils donneriez-vous à un patient ?

Un jour après l’autre. Quoiqu’il arrive. Ne pas trop se poser de questions qui ne vont pas nous tirer vers l’avant et se focaliser sur ce qui compte vraiment : « Je serai grand-mère un jour » a été mon mantra.

Mes 10 ans de yoga m’ont beaucoup aidé même si je n’ai pas pu pratiquer pendant plusieurs mois. L’importance de vivre intensément l’instant présent a en revanche été essentielle. Ressentir de la gratitude pour le soutien amical et familial, pour l’équipe médicale, pour les « bons » jours, pour ce diagnostic finalement précoce, pour la résilience de mon corps malgré les traitements, etc. Bref, philosophie de Yogi. Ça semble facile à dire, mais c’est possible. Au début, il faut s’entraîner.

Et puis, il y a ce que j’aimerais dire « aux autres », les non-malades : n’attendez pas. Pas de procrastination.

Ne gâchez pas votre vie, votre temps, votre énergie. J’espère que mon histoire aura servi à mon entourage, que ça aura aussi été pour eux un électrochoc, un rappel que tout peut s’arrêter du jour au lendemain.

  • Quel message souhaitez-vous délivrer à la communauté de We are Patients ?

Rien n’est parfait nulle part. Cela étant, la France offre un système de santé performant en général. L’accès aux soins tout comme l’accompagnement du malade et des familles, sont bons en comparaison avec beaucoup d’autres pays. Le milieu associatif est développé et le coût des soins n’est pas une inquiétude au quotidien pour le patient qui peut se focaliser sur sa guérison.

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