INTERVIEW. Pauline, 24 ans, est élève en école d’infirmière. En 2010, cette jeune Bretonne d’origine a été diagnostiquée d’un syndrome de fatigue chronique. Elle nous raconte ici comment elle a réussi à ménager ses efforts et son énergie pour tenir. Rencontre.
- Présentez-vous :
Je m’appelle Pauline, j’ai 24 ans. Je viens de Bretagne et je fais mes études à Bordeaux depuis 2016 en école d’infirmière.
Je suis tombée malade en 2009. J’avais tout juste 15 ans et je venais de rentrer au lycée. J’ai fait 2 pharyngites successives, qui m’ont mise à plat. La fatigue continuait et se faisait de plus en plus intense, au point de ne plus pouvoir rien faire, ne serait-ce que me lever de mon lit. Puis sont arrivés progressivement les troubles cognitifs, avec difficulté de concentration. Des troubles digestifs, perte d’appétit. Une intolérance à certaines odeurs…
Au total, je suis restée alitée pendant environ 2 ans, sans aucune énergie, me sentant épuisée sans savoir expliquer pourquoi. Pour illustrer, je dis toujours : « vous voyez ce que vous ressentez quand vous êtes malade ? Pour moi, c’est ça tout le temps, mais en pire encore. »
- Comment avez-vous été diagnostiquée ?
J’ai été diagnostiquée en 2010 d’un syndrome de fatigue chronique par un médecin hospitalier vers lequel mon médecin traitant m’avait orienté.
- Qu’est-ce que vous avez ressenti ?
Dans un premier temps, ça m’a fait peur ! Le fait de savoir que j’avais une maladie chronique, et qui donc durerait, me faisait appréhender l’avenir. À 15 ans, j’avais du mal à imaginer de continuer à être dans cet état, à ne rien pouvoir faire. Et d’un autre côté, j’étais soulagée de pouvoir enfin mettre un nom sur ce que j’avais, et faire taire les gens qui pensaient que c’était psychologique, ou que j’avais une phobie scolaire, ou encore que je manipulais ma mère.
- Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je me sens mieux. Je suis capable de vivre seule, loin de chez moi, de suivre des études assez prenantes. J’ai toujours voulu faire ce métier alors je me suis battue pour pouvoir y parvenir et j’en vois bientôt le bout ! Normalement, je devrais être diplômée à la fin de l’année 2019. Cependant, j’ai encore des hauts et des bas avec parfois des épisodes de fatigue assez intenses et je reste fragile. Il y a 4 ans, j’ai eu une mononucléose avec hépatite virale qui a nécessité une hospitalisation d’une semaine. Plus récemment, j’ai été fragilisée en février de cette année par une infection attrapée au cours d’un stage, et depuis mon énergie a pas mal diminuée.
J’essaye de faire de mon mieux pour finir cette dernière année d’études dans de bonnes conditions. J’avance à mon rythme, en essayant de ménager mes efforts et mon énergie dans la mesure du possible. Ma volonté me fait tenir ! Dans l’ensemble, je suis fière du parcours que j’ai fait jusqu’à maintenant et j’arrive à me gérer. Je me connais bien et connais mes limites !
J’arrive mieux à me projeter et à faire des projets. Je pars même en voyage quand l’occasion se présente.
- Qu’est-ce que la maladie a changé pour vous ?
Tout d’abord, à l’apparition de la maladie, le tri dans les amis à été vite fait. Je n’allais plus en cours, j’en étais incapable, et le peu d’amis qu’il me restait ou que je m’étais fait en l’espace d’un mois sont partis. Puis, étant donné que j’étais dans l’incapacité de me rendre en cours, j’ai voulu prouver que j’étais capable et volontaire de poursuivre mes études et obtenir mon BAC. En février 2011, j’ai sélectionné 3 matières du programme de 2nde que je suivais par le CNED dans le but d’intégrer une 1ère ST2S à la rentrée de septembre 2011. J’ai réussi à faire l’intégralité de ces 3 mois de matières sur 4 mois. J’ai présenté mes résultats à la direction de mon lycée, ils m’ont reçu et ont accepté de me laisser ma chance.
J’ai eu mon BAC en 2013. C’est aussi lors de mon entrée en 1ère que j’ai rencontré mon groupe d’amies que j’ai encore aujourd’hui, et que je ne remercierais jamais assez pour le soutien qu’elles m’ont apportées et qu’elles m’apportent encore aujourd’hui.
Je dirais aussi que la maladie a changé ma façon de voir certaines choses. Sortir, m’amuser ne me manquaient pas tant que ça, parce qu’au final, je ne l’avais pas connu avant. J’ai appris à laisser couler, et laisser les critiques, ne pas y accorder d’importance. Et je pense que tout cela m’a rendue plus forte, et a contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui.
Je suis fière d’être cette personne.
- Votre hygiène de vie a-t-elle changé ?
Oui ! J’ai limité la consommation de sucre et j’ai supprimé le gluten. Le gluten, ça a été plus difficile, surtout pour le pain.
Aujourd’hui, j’ai partiellement repris le gluten et pour ce qui est du pain, je prends du pain au maïs. Certes, il y a du gluten dedans, mais pas en majorité. Aujourd’hui, cela me convient. Je continue de faire attention à ce que je mange, tout en me faisant des petits plaisirs de temps en temps.
- La maladie a-t-elle renforcé votre relation avec vos proches ?
Oui. J’étais déjà proche de ma mère, mais cela a renforcé notre lien. Elle a été très présente pour moi et m’a énormément soutenue. Dans l’ensemble, le reste de ma famille m’a soutenue aussi ainsi que ma mère. C’était important aussi qu’elle ait du soutien en tant qu’aidante.
- Quels conseils donneriez-vous à un patient ?
Je lui dirais de rester fort, même si je sais que c’est difficile parfois. Aujourd’hui, les choses commencent à bouger et on parle davantage de la maladie. Il faut garder espoir. Essayer de mettre en place des choses, propres à chacun, afin d’essayer d’améliorer un peu le quotidien. Il faut aussi ne pas baisser les bras. Ca peut être long, mais on finit par aller mieux. On peut être plus fort que la maladie et en faire une force. On n’en sort que vainqueur et plus fort que ce que l’on a été. Et surtout, ne pas laisser les remarques ou critiques nous atteindre. Ça ne vaut pas la peine d’en accorder de l’importance. L’important, c’est vous.
- Quel message souhaitez-vous délivrer à la communauté de We are Patients ?
Il y a de l’espoir. Même dans les moments où c’est difficile, il ne faut pas lâcher. Et ne pas hésiter à soutenir les personnes qui en ont besoin, leur montrer qu’on est là pour eux et qu’ils ne sont pas seuls. Qu’on peut faire avancer les choses si on se mobilise. À plusieurs, on est plus fort. Avoir des gens autour de moi m’a aidé. Il ne suffit pas de faire beaucoup, juste montrer qu’on est là, c’est déjà énorme. Savoir qu’on est pris au sérieux et qu’on est soutenu. Alors merci à tous ceux qui soutiendront notre cause et nous aideront à faire avancer la connaissance et la reconnaissance de cette maladie.