ALCOOLISME. Jean-François : “La course à pied m’a sauvé”

INTERVIEW. Jean-François est originaire du nord de la France. Cet homme de 62 ans revient de loin : il a sombré dans l’alcoolisme pendant plusieurs années, une descente aux enfers qui le mènera au statut de sans domicile fixe. Aujourd’hui, cet ancien patient, aujourd’hui très engagé, ne touche plus à l’alcool. Il a réussi à vaincre sa dépendance grâce à sa passion : la course à pied.

  • Présentez-vous :

Je m’appelle Jean-François, je vis à Nantes. Je suis natif de Lille. Je n’ai pas touché à un verre d’alcool ou à une cigarette depuis 2003. Je suis un passionné de course à pied. Je suis bénévole, je m’occupe de plusieurs personnes dépendantes à l’alcool. Je suis également de temps en temps référant pour des associations qui luttent contre l’alcoolisme.

  • Quelle est votre histoire ?

Plus jeune, j’aimais l’ambiance des petites foires de village, on buvait un coup entre copains. J’appréciais la “convivialité” des cafés. J’étais ce que l’on appelle un bon vivant, avec de nombreux amis de bar. En même temps, je me suis investi dans la vie locale de ma commune, président d’association, et militant politique. Malgré le bonheur d’avoir eu mes deux enfants, je continue d’être présent dans les buvettes et les bistrots. Je saisissais les occasions de boire de l’alcool. Peu à peu, je suis devenu un alcoolique, d’abord “mondain”, et ensuite simplement un ivrogne.

En 1995, je fus élu conseiller municipal, puis candidat aux législatives en 97, et aux cantonales de 98. Mes campagnes représentaient aussi une occasion de boire. Je ne me refusais jamais un verre, et souvent, je terminais le dernier finissant les bouteilles. Avec le recul, je sais que je fuyais mon existence quotidienne, en me réfugiant dans l’alcool. J’encaissais beaucoup, le plus étonnant est que je n’étais que très rarement soûl, à la différence de la plus part de mes copains.

Certains de mes proches me mettaient en garde, trouvant que je buvais trop. Ceux-là, je ne les écoutais pas, puis peu à peu, je les ai fui, je ne les voyais presque plus. J’étais dans le déni. Je n’allais chez les gens que pour me faire offrir un verre, je m’en rends compte aujourd’hui. J’ai commencé à grossir, j’ai pesé jusqu’à 107 kg. Je me suis séparée de ma femme, et chaque fois que j’étais en forme, je voyais mes enfants. Ils ne m’ont jamais abandonné. J’avais lâché tout travail, et petit à petit, je suis devenu une épave. J’étais devenu SDF, hébergé par plusieurs amis.

En mai 2001, je retrouve un logement social. Je bois toujours autant, y compris de l’alcool à 90 degrés. Je dors avec une bouteille au pied de mon lit. Deux ans plus tard, mon fils passe me voir. Il me dit qu’il a fait de la course à pied avec son oncle. Une phrase simple, anodine, qui pourtant m’a fait pleurer de longues heures par la suite. Moi qui, jeune, aimais la course à pied, j’étais incapable d’aller courir avec lui. En quinze jours, sans médicaments ou traitements, je me suis arrêté de boire et de fumer.

Chaque jour, j’allais marcher, trottiner plus d’une heure. Au fil des mois, je respirais de nouveau, mon corps se métamorphosait, de nombreux kilos disparaissaient.

  • La course à pied vous a-t-elle sauvé ?

La course à pied m’a sauvé la vie, c’était comme un amour de jeunesse retrouvé. Il m’a fallu trois ans avant d’atteindre un de mes objectifs : courir un 10 km en 58 minutes. Aujourd’hui, je cours tous les matins une heure environ, j’ai participé à trois marathons. Je m’occupe, j’ai un contrat actif d’inertie pour les personnes en difficulté.

  • Quel conseil donneriez-vous à un patient ?

Arrêtez de vous mentir si vous êtes dépendant. Sans accepter ce qu’on est, rien n’est possible. Ne vous renfermez pas sur vous-même, parlez ! Demandez de l’aide à votre entourage…

Trouvez la passion qui vit en vous, et qui sera plus forte que vos addictions !

  • Quel message souhaitez-vous délivrer à la communauté de We Are Patients ?

Si vous avez la chance et la volonté de vous en sortir, la vie vous semblera belle chaque jour. On a tous deux vies, et la deuxième commence lorsque l’on comprend que l’on n’en a qu’une !